Streaming ou le patinage artistique de l’industrie musicale !
Réaction de Diane Tell suite à l’article de Martin Untersinger: Musique en ligne : Spotify, pari (à moitié) réussi publié sur le site Rue 89.
Ah qu’il est beau le débat ! Le fabuleux destin de l’industrie de la musique ! Les sujets fusent (hier Hadopi aujourd’hui le Streaming) et les commentaires abusent ! Tout ce que l’on a entendu sur Hadopi jadis ! Fini le stockage de fichiers, vive le streaming! Mais que fait donc Hadopi?
Parlons un peu de contenu. Car pour streamer il en faut !
Pourquoi investir 50 000 € dans la réalisation d’un album ? (c’est juste un exemple : un coût estimable pour la réalisation d’un album de chansons originales, créé en studio, avec ses photos, sa pochette physique et digitale, mixage et master pro, interprété par des musiciens vivants et tutti quanti – hors promo et publicité) Pourquoi cet investissement puisque les albums ne se vendent plus ? Parce qu’un artiste doit fixer son travail pour espérer le proposer en concert, espérer passer à la radio, espérer toucher quelques droits d’auteur, voisins ou autres, espérer sortir du lot sur internet, espérer trouver son public, espérer vendre quelques exemplaires de son travail fixé à l’issue des concerts, sur I Tune ou à la Fnac… et finalement espérer vivre de sa musique ce qui n’est pas gagné.
C’est tout un ensemble de droits et revenus générés par cette exposition publique qui crée la valeur « financière » de la musique. Spotify est une source de revenus, probablement éphémère parmi beaucoup d’autres en fonction des pays, de la notoriété de l’artiste et des styles musicaux. Une chose est à peu près certaine, le modèle économique de Spotify fonctionne pour Spotify et ses actionnaires! Ce modèle n’a pas été créé pour protéger et nourrir les artistes pas plus que l’industrie de la pêche n’a été inventée pour protéger et nourrir les poissons ! L’art est une richesse exploitable comme une autre et la cupidité humaine n’a pas disparu (ni n’est apparu) dans les mailles d’Internet !
Les royalties c’est bien quand il y en a mais il existe d’autres sources de revenus pour l’artiste/producteur (souvent multifonctions !). Au Canada : SOCAN, SODRAC, ARTISTI, SOPROQ, en France : SPPF, ADAMI, SACEM, SDRM fourmillent de personnes louables dont la mission est de protéger nos droits et nous les redistribuer ensuite. Ils font respecter les lois acquises, en proposent d’innovantes adaptées aux nouveaux formats. C’est leur job mais là encore, pas de miracle dans les tuyaux, il faut un peu réclamer son du !
Les modèles économiques de l’industrie musicale vous dites ? Ils sont excellents pour l’industrie musicale un point c’est tout. Aujourd’hui : I Tune, hier Sony, (des exemples parmi d’autres), toutes les industries doivent générer du profit, c’est le but. Chaque branche doit porter ses fruits ! Sinon, on scie la branche quand ce n’est pas l’arbre ou la forêt toute entière. L’ancien modèle économique des « majors » que nous connaissions depuis les années 80 était excellent pour les majors dans le contexte de l’époque, pas pour l’artiste. Il ne l’est plus car nous vivons dans un autre monde. D’un côté sont mis en marché tous les jours de nouveaux jeux, consoles, applications, forfaits et autres divertissements payants et de l’autre, on dématérialise le contenu artistique dont la valeur marchande finit par échapper à tout le monde… ou presque.
C’est la dématérialisation des choses qui chamboule tout dans notre domaine. D’autres révolutions techniques ont rayé de la carte habitudes, systèmes, savoir-faire, emplois et richesses… devons-nous les citer ? Mais deux ou trois choses n’ont pas franchement aidé la filière. 1) Le prix de la musique n’a jamais vraiment été fixé ou régulé (comme celui des livres ou des places de cinéma). Les distributeurs de musique pratiquent des politiques de prix complètement absurdes depuis toujours ! Up down up down… Gratuit, budget price, mid price, full price, prix vert, prix rose, prix d’appel, c’est dans tous les contrats de disques… Le public du coup n’a aucune idée de la valeur d’un morceau de musique. On peut le comprendre. 2) Internet est un espace virtuel à la fois distributeur et diffuseur : ici Radio France et la Fnac logent à la même enseigne. Dans l’esprit des gens, la diffusion c’est gratuit, la distribution c’est payant ! Spotify et son streaming est un modèle entre les deux. Un peu comme Canal + : on règle l’abonnement et on se tape la pub ! La vérité c’est que si tout n’a pas de prix fixe, tout à un coût réel. 3) Si Internet innove par l’extraordinaire accessibilité instantanée et à l’infini de tous les contenus possibles jamais fixés, les radios elles continuent d’appauvrir leur playlist en brulant quelques bons titres jusqu’à l’écoeurement, ou au contraire en passant en boucle une chanson qui nous déplait jusqu’à ce qu’on l’AIME ! Berk dans tous les cas…
Les systèmes d’exploitation des richesses, qu’elles soient naturelles ou artistiques, ont rarement pour vocation de préserver ou développer celles-ci. C’est comme ça dans tous les domaines et à toutes les époques. Vous connaissez la règle ? 80% des profits générés par 20% des produits ! De nos jours, je crois même que l’écart se creuse, tout se passe comme avant, dans l’ancien monde analogique. Valoriser le contenu artistique et sa qualité n’a jamais été une option pour l’industrie. Seul compte le chiffre, pas le prix de vente, la quantité d’unités vendues. C’est sans doute ce qui explique la hausse colossale de la production musicale en cette période de chute libre des ventes. On vend moins d’unités, on fait moins de marge alors on produit plus. Elle est là la réaction de l’industrie à la CRISE !
Mais revenons au débat : gratuit vs payant. Est-ce que les 57 millions de « vu » sur You Tube de la chanson « Someone like you » d’Adèle a empêché l’artiste de vendre des CD, des places de concerts ou autres produits dérivés ? Non. Quand ça marche, ça marche sur toutes les plateformes payantes ou non, à tous les étages des magasins et sur toutes les fréquences. Ca n’arrive pas à tous les artistes et pour tous leurs albums ! Loin d’ici, très loin de là. C’est un petit miracle le succès ! Mais on ne peut pas construire un modèle sur la base d’un miracle à moins d’être au paradis des croyants ! Restons sur terre ! Le problème à résoudre pour la plupart d’entre nous artistes est celui-ci : ce métier peut-il être viable sans passer par la case succès massif ? Selon l’industrie non. Elle tire un trait sur tout ce qui bouge en dehors des classements.
Il suffirait aux artistes d’inventer un ou des modèles économiques équilibrés qui leur soient favorables « en croisière », mais ce serait tout comme demander aux poissons de s’emparer de l’industrie de la pêche, une utopie !
Source
Ce billet est un texte original du blogue rideaux ouverts de Diane Tell
article à l’écriture élégante mais qui n’apporte pas grand chose (de neuf, tout du moins).
– comment inverser l’idée que la musique est gratuite ?
– comment rentabiliser les investissements, même minimes ?
– doit-on laisser sa musique sur les sites de streaming gratuits au risque d’être écouté pour peanuts ?
– comment redonner de la valeur à la musique ?
etc etc
Je suis d’accord avec toi Ben, il n’y a pas de réponse dans ce billet mais disons qu’il relance le débat pour continuer à se questionner sur le sujet! À partir du moment ou la musique est dématérialisée, elle restera surement gratuite. La rentabilisation de l’investissement des artistes ne peut se faire que par ce qui est rare. Même avec le téléchargement (download), ce ne sont que des peanuts qui reviennent aux artistes. La valeur de la musique s’obtient sur le moment présent, c’est à dire la prestation live, d’après moi, comme dans le temps. C’est la rareté que les gens recherchent, je crois, non?
Une réponse un peu désorganisée mais qui résume en grande partie ma pensée sur le sujet (on m’a aider à penser, évidemment, plein de sources avec entre autres Virginie Bergern Bob Lefsezt, Gerd Leonhard… et plus dans les gens que je suis sur Twitter)
J’ai pendant longtemps pensé que le live était le meilleur des moyens pour un artiste de se rémunérer mais c’est un peu plus compliqué que ça.
Les prix des concerts montent et sans les aides de l’état ou des sponsors, les concerts n’auraient pas l’affluence qu’ils ont car les cachets des artistes sont simplement trop haut pour permettre que les promoteurs atteignent la rentabilité.
D’autre part, je pense que la disponibilité de la musique est essentielle, que ce soit sur Youtube et/ou Spotify, enlever sa musique d’internet stimule peut être un peu les ventes itunes (pas sûr de ça) mais surtout les téléchargements sur plateformes de direct download.
C’est vrai que les distributeurs (itunes/spotify/etc.) cherchent avant tout à être rentable et peu se focalisent sur les créateurs, c’est ce qui a permis l’apparition de plateformes comme Kickstarter, entre autres.
La rareté est selon moi de plus en plus dur à atteindre via de la musique enregistrée, tout simplement car la musique comme telle se rapproche de plus en plus d’un service que d’un produit (music like water, gerd leonhard), mais ça ne veut pas dire que ce service est gratuit. Les gens valorisent encore le rapport à l’artiste il veulent simplement qu’on leur propose la musique autrement que comme des packs de lait.
Avec l’enregistrement on était passé à une industrie de production casi classique, en oubliant l’éducation et la sensibilisation, les acteurs de la musique comme produit vont certainement mourir, ceux qui la proposent comme un service (spotify entre autres) vont certainement dans le bon sens et malgré l’argument un peu faut de « l’artiste n’avait rien pour le piratage, il a un peu avec le streaming » ils se focalisent sur l’expérience et la diffusion beaucoup mieux que leur prédécesseurs.
Je crois qu’on se rapproche de plus en plus vers un accès casi illimité à la musique et à côté une valorisation de la relation artiste/fan (D2F) qui se fait tant en concerts que via les services internet.
Il y aura toujours des gens sensibles à la musique prêts à payer pour un peu plus que de la simple écoute, par contre ce n’est pas pour autant qu’il faut enlever cette écoute à la majorité qui est prête à payer un peu pour supporter l’artiste mais n’a pas la possibilité de s’offrir du contenu exclusif.
On parle de crise et de diminution du pouvoir d’achat, évidemment le porte feuille des fans n’est pas extensible et il n’est plus aussi plein qu’il l’a été dans la période (révolue) prospère de l’industrie musicale. Il ne faut blâmer personne pour ça.
Par contre faire comprendre aux gens que Kanye West et Lady Gaga sont des produits du showbiz et que la vie d’artiste est plus proche de celle du travailleur de classe moyenne voire basse serait peut être une avancée. Tâche plutôt compliqué si on ne veut pas tomber dans le misérabilisme et garder un peu d’onirique dans la qualité d’artiste (ça vend le rêve…).
Bonsoir
Il y a des musiques qui ne sont pas conçues pour être joué live, d’autres qui ne peuvent l’être que difficilement. Leurs auteurs souhaiteraient pour autant probablement aussi arriver à en vivre.
Je m’excuse à l’avance pour la longueur de mon commentaire mais il y en a tellement à dire…
L’industrie de la musique a le potentiel d’être plus profitable qu’elle ne l’a jamais été. La question est de savoir comment et dans quelle mesure les différents acteurs pourront exploiter ce potentiel immense de monétisation de la musique. Peut-être que les musiciens n’en profiteront pas autant que les compagnies qui rendent disponible leur musique de façon totalement illimitée. Ça reste à voir.
Malgré tout, on ne peut pas nier que la vocation de musicien a été démocratisée. Il y a 20 ans, la seule façon dont un artiste pouvait espérer se faire connaître, c’est en signant avec une des Majors et par le fait même, céder tous ses droits. Il y a de moins en moins de Mega-Stars de la musique (le modèle d’affaires n’est plus viable) mais de plus en plus de petits artistes qui sont capables d’en faire une vie. Il y a présentement une émergence d’une classe moyenne, chose qui n’existait pas auparavant.
Cela ne veut pas dire que vivre de sa musique est rendu chose facile. Toutefois, les musiciens ont maintenant les outils à leur portée pour le faire. D’une part, les barrières à l’entrée quant à la création, la promotion et la distribution de musique se sont complètement effondrées depuis l’avènement du monde numérique.
Distribuer son album internationalement coûte maintenant environ 50$ par année. Il s’agit de passer par un distributeur comme Tunecore qui ne prend même pas de pourcentage sur les ventes réalisées, que des frais fixes sur une base annuelle. Cela veut dire que pour ce modest 50$, un artiste peut distribuer son album chez tous les grands détaillants numériques tels qu’Itunes et Amazon ainsi que sur des communautés de streaming par forfait telles que E-Music et Rhapsody. Même si les ventes numériques ne peuvent toujours pas compenser la baisse des revenus liés aux ventes physiques, il faut tirer avantage de la plus grande marge de profit et être capable d’exploiter l’échelle des ventes sur une base internationale, ce qui était beaucoup plus difficile avant.
Pour un nouvel artiste, c’est vrai que vendre sa musique n’est pas une formule gagnante. Il faut bien commencer quelque part. Néanmoins, créer des « fans » et établir un lien de contact avec eux (email, twitter, facebook, etc) a une grande valeur intrinsèque en soit. Bâtir une communauté de Fans est un investissement parce qu’une communauté de Fans, c’est « monétisable ».
Bref, le potentiel est là mais personne ne sait de quel côté le vent va tourner dans les prochaines années. Tout est encore en transformation et très instable. Pleins de nouvelles opportunités mais une difficulté à comprendre comment en tirer profit.
Il faut rester optimiste, continuer de créer, innover et persister.