Joker : Clarika ment superbement
En ouverture de son dernier album, Clarika vous prévient : elle ment. Ou plutôt, elle prend tous les rôles. Normal, Clarika est à la fois auteur et interprète. Elle peut ainsi jouer la célibataire en quête du prochain amour (Joker), se demandant à quoi rêvent Les patineurs ou De quoi c’est fait l’amour puis consolant La bimbo qui laisse couler son maquillage au soleil. Ou alors elle joue l’amoureuse – les amoureuses – s’adressant à son « total Kamasutra » : « Attache-moi, je suis une fille de rien, une ombre si légère. Toi pour moi, t’es mon Hiroshima, mon amour. Je ferai tout pour toi, sortir avec Julien Courbet mais Ne me demande pas … ne me demande pas … Tu n’es que L’avant-dernier, Je t’aimais mieux quand t’étais mort, c’était tranquille. »
En vrai, son amoureux, c’est Jean-Jacques Nyssen. C’est lui qui met en musique les mots de Clarika depuis son premier album, J’attendrai pas cent ans! en 1993. Enregistré chez Boucherie Productions, dans un esprit jazz-rock, il reste un son que Clarika regrette. Alors elle rejoint Sony pour Ca s’peut pas (1996) qui se fait remarquer grâce au malicieux Beau comme garçon : « T’es beau comme garçon mais y’a tant d’air dans ta tête qu’on peut y faire de l’avion ». Dès lors, Clarika est portée sur les ondes par France Inter essentiellement. En 2001, paraît La fille, tu sais avec We are the losers et surtout Les garçons dans les vestiaires qui a fait monter la carrière de Clarika de quelques degrés. En 2002, le sublime Non, ça s’peut pas, extrait du deuxième album, est réenregistré en duo avec Bernard Lavilliers. Il devait sortir en single mais la maison de disque rate le lancement et il se retrouve en bonus du dernier Joker.
Personnalité marquée, sens de l’humour et sensibilité, Clarika a tout pour elle. Mais pas encore la reconnaissance totale. L’année 2005 sera peut-être enfin la bonne. Pour commencer, Clarika a fait la première partie de toute la tournée de Zazie. Déchaînée, émouvante et irrésistible sur scène, Clarika a conquis tous les fans de Zazie qui sont désormais son premier soutien. Ensuite, elle sort sa meilleure carte. Joker contient presque autant de perles que de titres, culminant sur Je mens ou Patricia qui, à partir de petits riens, fait un portrait en creux terriblement profond. Bouleversant. Musicalement, Joker est comme tous les opus de Clarika, très divers : délaissant l’électro, le rock est toujours là mais aussi la pop voire le pop-rock, de superbes cordes ou même un peu de zouk ou de musique slave. Désormais le son de l’album est à la hauteur des chansons. La voix de Clarika évolue aussi : toujours aussi puissante sur scène, elle se fait ici plus modulée, caressante, intimiste, charmeuse.