Nice Jazz Festival 2011 : au 3e jour, j’ai choisi l’éléctro
Hier soir à Nice, c’était le grand écart entre les deux scènes. D’un côté, au théâtre de Verdure, le jazz acoustique primait (piano, clarinette) grâce à de grands interprètes français comme Martial Solal ou Michel Portal. De l’autre, l’électro s’emparait de la scène Masséna avec notamment les très bons concerts de Nojazz et de Morcheeba. Comme je vous l’avais annoncé, il fallait que je fasse des impasses : j’ai donc misé sur l’électro. Mais je reste fidèle à la tradition et je vous donne le détail de ce dimanche 10 juillet.
« Jazz made in France » au Théâtre de Verdure. J’ai pu jeter une oreille à la toute fin du concert de Dominique Fillon qui ouvrait la soirée. Au piano, accompagné de trois musiciens, il présentait son deuxième album Americas. C’est surtout l’Amérique du sud que j’ai entendue puisque je suis arrivé en pleins rythmes latins très dansants. Plus tard, en conférence de presse, il a expliqué avoir été influencé par le jeu coloré de Michel Petrucciani mais surtout par celui de guitaristes de rock et de blues. C’est en effet à la guitare qu’il compose pour pouvoir créer des mélodies fortes sur un minimum d’harmonie. Une carrière à suivre.
Martial Solal et Stefano Bollani proposaient ensuite un face à face musical. Le maître français et le jeune italien jouaient à quatre mains sur deux pianos tête bêche. Une grande virtuosité mais un répertoire peut-être réservé aux connaisseurs de jazz pour le peu que j’en ai entendu. Enfin, Michel Portal le grand clarinettiste (et saxophoniste) clôturait la soirée en compagnie de quatre musiciens dont, aux claviers, Bojan Z que j’avais vu lors du festival 2006 avec son propre trio. Une musique riche et inspirée malheureusement perturbée par le son puissant de Morcheeba qui était décidément incontournable.
C’est en effet la scène Masséna qui a attiré hier soir le maximum de monde. Le thème « Nu Jazz & Electro » a même fait souffler un coup de jeune sur le festival. Le coup d’envoi a été donné par Nojazz. Collectif français né de la rencontre entre des musiciens électro et jazz, Nojazz apparaît tout d’abord comme une bande d’extraterrestres : dans des tenues extravagantes entre voyageur inter-spatial et fan de foot, ils présentent leur musique venue d’ailleurs souvent planante mais toujours dansante. Prenez un DJ, un percussionniste, un saxophoniste et un trompettiste et ajoutez-y le chanteur black HKB Finn qui a grandi en Jamaïque : vous obtenez un mélange qui puise ses racines dans le jazz autant que dans la drum and bass, le funk, le rock ou les musiques latines. Les nappes et les rythmes synthétiques donnent une dimension supplémentaire aux sons plus ou moins transformés des instruments acoustiques, principalement les cuivres qui sont la marque de fabrique du groupe. Malgré l’horaire difficile de 19h30, Nojazz a fait monter la pression progressivement jusqu’à emporter totalement l’adhésion du public des jardins. Du coup, on n’a pas aimé du tout être privé du rappel promis faute de temps. Dommage.
Nils Petter Molvaer est norvégien : tel qu’on s’y attend, ce trompettiste joue en trio une musique très particulière. Comme il me l’a dit après le concert, il veut à tout prix éviter les clichés les plus évidents. Avec l’aide de l’électronique ou en soufflant par exemple à l’envers dans sa trompette, il cherche « différentes couleurs de sons impossibles à obtenir acoustiquement ». Il m’a expliqué qu’il a commencé à jouer de manière classique dans différentes harmonies avant de sentir qu’il n’aurait pas le niveau pour être musicien classique. Attiré par l’improvisation et la musique ambient des années 80, il s’est alors lancé dans une nouvelle voie. Très expérimentale, sa musique m’a semblé, du peu que j’en ai entendu, réservée aux amateurs de sensations nouvelles.
Morcheeba était clairement le groupe le plus attendu de la soirée. Le nouvel album des britanniques a en effet créé l’événement avec le retour de la chanteuse historique, Skye Edwards, qui était partie depuis 2003. Dès les premiers morceaux, le groupe balance le méga-tube de cette année-là, Otherwise : l’adéquation entre la voix de la chanteuse et le son du groupe suspend le temps dans la nuit niçoise. Skye, placée face à un ventilateur, joue des longs pans de la robe qu’elle a, dit-elle, fabriquée elle-même, comme une Marilyn noire habillée de rouge. Pourtant, loin de jouer les stars, elle ponctue chacune de ses interventions de cascades de rires d’une grande fraîcheur s’amusant par exemple, du bar qui porte son nom au Brésil, des quelques mots de français qu’elle connaît (les mecs et les meufs) ou encore de ceux qui, dans le public, fument des produits illicites. Autour d’elle les cinq musiciens créent un groove mid-tempo de soul subtile habillé par les scratchs et les ambiances planantes du DJ. Le guitariste Ross Godfrey, l’un des deux frères du trio fondateur, prend lui aussi la parole de temps en temps pour présenter certains morceaux comme leur reprise de Woody Guthrie ou pour s’excuser plusieurs fois d’un problème de réglage de batterie qui donnait lieu à quelques bangs. Avec sincérité et magnétisme, de titres introspectifs en morceaux plus enlevés, Morcheeba réussit à capter l’auditoire jusqu’au rappel où tout culmine : Be yourself est enchaîné au Just dance de Lady Gaga puis le début de I can see clearly now de Jimmy Cliff débouche sur l’autre méga-tube de 2003 Rome wasn’t built in a day. Pari gagné pour l’électro!
Liens
Nice Jazz Festival : l’indispensable site officiel. Ce soir, les têtes d’affiche sont Macy Gray et Seal : il devrait y avoir du monde!
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Rydergillespie et Photoxygen nous livrent sur Flickr de belles séries de photos de la soirée
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2 commentaires sur “Nice Jazz Festival 2011 : au 3e jour, j’ai choisi l’éléctro”