Roman et Zebda, si affinités La photo terrible
Pour que les notes s’enlacent avec les mots, Syros propose Tempo, une collection mariant un livre et un CD, à partir de thèmes comme la fraternité, les différences… La maison d’édition reste fidèle, en cela, à son intérêt pour les questions de sociétés. Nous avons retenu La Photo terrible, un roman de Jeanine Teisson associé à Ma rue, une chanson d’un groupe qui n’a oublié ni ses racines, ni ses frères : Zebda.
Les mots ont une musique, dit-on. Prenant la formule au pied de la lettre, les éditions Syros ont lancé Tempo, une collection mariant la musique des textes aux mélodies de chansons diverses. Les ouvrages sont co-édités avec différents partenaires oeuvrant pour les droits de l’homme et le respect des personnes, comme Amnesty International ou le Gisti.
Chaque roman se voit, donc, accompagné d’une chanson qui lui fait écho, présentée sur CD. Ainsi l’histoire trouve heureusement son épilogue dans la musique et la musique dans les mots. En l’occurrence, sont reliés, on l’a dit, Ma rue et La photo terrible. Dans ce roman, Jeanine Teisson nous conte, dans une langue simple mais évocatrice, l’histoire d’Héléna, Morand et Idir. Le lieu : une cité, carrefour coloré et craquelé d’origines et de croyances diverses. Le récit : le jeune Idir, opéré en urgence du cerveau, risque, sinon la mort, du moins la folie.
L’existence est plutôt rude dans cette banlieue commune. La vie pousse pourtant, grosse de rêves, acharnée à gober la moindre miette de bonheur. Son appétit est puissant, capable d’avaler les tracas, les incompréhensions et les renoncements qui guettent. Héléna, Morand et les autres ados sont tous des morts-de-faim qui décident de croquer la maladie d’Idir, de la broyer à grands coups d’entraide et de générosité. La partie n’est pas gagnée, mais le combat est chaleureux et drôle.
À travers leur lutte contre la mort imminente c’est l’humanité fleurissant malgré le béton et la misère qu’ils nous révèlent. Leurs regards souvent lucides, toujours innocents, nous découvrent les mémoires et les histoires, qui font la vie, les vies du quartier.
Est-ce la candeur de l’enfance posant une main aimante sur chaque chose ? Est-ce le phrasé réaliste, entrecoupé de gambades poétiques, de l’auteur ? …Toujours est-il qu’au fil du texte les rires, les larmes, les colères et les tristesses échappent aux pages pour venir rencontrer les nôtres. Elles se répondent, se font écho, pour dessiner un motif commun, un lien universel qui s’appelle communauté.
Ce livre est destiné, vous l’avez compris, en priorité à la jeunesse. La fraternité qu’il illustre y apparaît grosse d’ardeur et de retenue mêlées, pleine de fraîcheur. Jeanine Teisson, l’auteur, a publié quatre ouvrages, dont Aucinéma Lux, prix Sorcières 1999.
Plus besoin de présenter les Toulousains de Zebda, qu’on sait engagés dans des luttes sociales par leurs compositions et leur soutien à la vie des quartiers dont ils sont issus. On ne s’étonnera donc pas que Ma rue chante les différences, de tous ses rythmes mâtinés latinos, parfumés slaves, charpentés de breaks diaboliques.
Danse avec les mots et les voisins, nous dit Tempo. Pour le coup, les jeunes (et moins jeunes) auraient tort de bouder la piste.
Cet article a été rédigé pour le site Sincever par le rédacteur Ave