Louis Bertignac : « Avec Band of Gnawa, on a des enregistrements mais on ne peut pas les sortir »

Louis Bertignac : « Avec Band of Gnawa, on a des enregistrements mais on ne peut pas les sortir »

Jeudi 24 septembre, Louis Bertignac ouvrait la nouvelle saison du Palais des Festivals de Cannes avec un concert deux-en-un. Pour le premier des quatre Concerts de Septembre, il était d’abord programmé avec son « power trio ». Réduit à 1h15, le concert était comme un concentré de ce live publié sur disque en 2006 et qui tourne toujours.  Dès le troisième titre, Audimat, le guitar-hero était inspiré comme jamais pour un solo mémorable. Ensuite, tous ses tubes y sont passés de Vas-y guitare à Ces idées-là en passant par Cendrillon. Seules Les frôleuses n’ont pas été approchées, faute de jeune filles inspirées pour monter sur scène. Alors à la place, Bertignac nous a envoyé … du Téléphone : New-York avec toi, Ca c’est vraiment toi et Un autre monde, chantés avec son quasi-sosie, le bassiste Cyril Denis (puis avec le public) et accompagné son batteur illuminé Philippe Cotten, dit Moulinot. Quel show !

Après une pause, voici Bertignac revenu en tant que guitariste de Band of Gnawa. Pour déguster ce drôle de cocktail épicé, prenez un chanteur monté sur pile et vocalement excellent, trois très bons musiciens dont l’excellent Cyril Atef à la batterie qui crée sur l’un des titres une ambiance faite de boucles vocales et de rythme. Ajoutez-y un groupe marocain Gnawa avec un leader chanteur et bassiste et quatre chanteurs-danseurs, venant sauter et tourbillonner pendant les titres en faisant tourner la ficelle de leur chapeau. Plongez le tout dans le rock des années 70 et secouez ! Débutant avec Come together des Beatles et clôturant avec Sympathy for the devil des Rolling Stones, le groupe fait surtout la part belle à Led Zeppelin et Jimi Hendrix sans choisir les plus grands tubes : chaque morceau est l’occasion de bœufs musicaux où les titres passent alternativement d’une version occidentale à un rythme marocain. Malgré un horaire tardif, un concert qui a marqué le public.

Dans l’après-midi précédant le concert, Louis Bertignac répondait aux questions de la presse invitée par le festival. Voici ses explications sur ses deux groupes, son prochain album, Carla Bruni et bien sûr la reformation de Téléphone.

Bonsoir Louis Bertignac. Vous commencez ce soir par un concert en trio. Pouvez-vous nous présenter le groupe ?
Le trio, c’est le groupe avec lequel je joue en permanence. Il y a un batteur fou qui s’appelle Moulinot et un bassiste qui s’appelle Cyril Denis, deux mecs qui ont des cheveux un peu comme moi, un peu niqués. Ils sont sympas et ils jouent bien. Avec eux, on va faire du rock’n’roll bien rentre-dedans, comme d’hab.

Et ensuite, vous jouez avec Band of Gnawa.
J’ai  ces deux groupes, le trio et Band of Gnawa, depuis trois-quatre ans mais c’est la première fois que je fais les deux concerts dans la même soirée. Je fais ma première partie pour ainsi dire. Band of Gnawa, c’est une création amusante avec laquelle je ne joue que l’été. On se réserve une plage de 15 jours pour jouer ensemble parce que c’est des gens qui viennent d’horizons très divers et qui sont très occupés le reste de l’année. C’est un truc assez spécial, un mélange de musique seventies et de musique marocaine gnawa. La musique gnawa c’est acoustique, un truc assez roots, avec une basse recouverte de peau de chèvre (ndlr : le guembri), des castagnettes en métal  (ndlr : les crotales), des chanteurs et des danseurs. On joue une musique assez improvisée mais on part de standards des années 70, un peu de Led Zep et de Hendrix par exemple. Le groupe est un mélange de quatre européens et cinq marocains. A part le bassiste que je connais très très bien, j’ai rencontré tous les autres il y a trois-quatre ans, je ne les connaissais pas avant. Loy Ehrlich, le pianiste et bassiste, qui est plus ou moins le fondateur de ce groupe, fait du jazz acoustique avec Hadouk trio. Cyril Atef, le batteur, fait beaucoup de choses très étranges : il joue dans un truc de folie qui s’appelle Congo punk et il accompagne aussi M, Matthieu Chédid, en tournée. Le chanteur s’appelle Akram Sedkaoui : c’est un chanteur extraordinaire qui chante surtout sur une musique dance et techno. Il chante toujours avec des DJs, et comme c’est la première fois qu’il chante dans un groupe, ça l’amuse beaucoup. Et les cinq marocains qui arrivent d’Essaouira, viennent juste pendant 15 jours pour faire en l’occurrence cinq concerts avec ce groupe.

Que pensez-vous de ce Festival des Concerts de Septembre ?
Cannes  est une ville très jolie avec un front de mer magnifique mais je ne connaissais que le Festival de cinéma et le Midem. Pour moi, ça a toujours été une histoire de notoriété avec des gens qui viennent voir et se faire voir. Alors je pense que c’est bien de faire des trucs pour les jeunes. D’après la programmation de ce festival,  je vois que c’est des concerts qui vont attirer des jeunes.

Vous appréciez de jouer dans le Grand Auditorium ou est-ce que vous préférez les salles plus rock ?
Au départ, c’est vrai que j’ai été surpris de la proposition. Mais j’espère quand même que les gens pourront bouger et se lever devant leurs fauteuils. Ce qui me fait le plus étrange, c’est qu’il y a d’énormes enceintes qui sont très très loin de nous. Si je m’occupais de la salle, je mettrais des enceintes sur la scène pour que ceux qui sont devant en prennent plein la tronche. Mais ça n’est pas très important. Il y a des concerts où on a des conditions optimales et pourtant le concert est pourri. Ca arrive.

Préparez-vous un album ou un DVD live pour Band of Gnawa ?
On en rêve en fait. C’est pas dans nos projets de rentrer en studio et de fabriquer des chansons mais on aimerait bien sortir quelque chose. On a filmé quelques concerts et on a enregistré le son mais il y a beaucoup de problèmes éditoriaux. Notre répertoire est constitué uniquement de reprises. Or, quand on reprend un titre et qu’on le modifie, il faut demander l’autorisation. Pour les Beatles, par exemple, c’est très compliqué : les éditions ont été vendues à Michael Jackson qui est mort, il faut savoir qui a la propriété des éditions maintenant. En général, ces gens-là ne sont pas toujours sympas, ils ne donnent pas leur accord facilement. Pour l’instant, on n’a rencontré personne qui serait d’accord pour aller emmerder les éditeurs ou les ayant-droits des Beatles, de Led Zep ou de Hendrix. On a des enregistrements et des films qui sont prêts et mixés mais a priori, on n’a pas le droit de les sortir.

Quels sont vos projets pour 2010 ?
J’ai un album à terminer et pas mal de concerts, notamment à l’étranger. On va beaucoup voyager. Le mois prochain, on part au Brésil et ça devrait être suivi de l’Europe de l’Est, de l’Europe du Nord, des Etats-Unis et du Canada. Ca va s’étaler jusqu’à mai-juin. Dans les trous, je ferai avancer mon album en espérant qu’il sortira fin 2010.

Carla Bruni va-t-elle écrire pour votre prochain album ? Allez-vous participer au sien ?
Avec Carla, on est toujours extrêmement copains mais elle ne m’a demandé ni l’un ni l’autre.  Comme je ne vais pas lui demander : « alors, ton prochain album, je le fais ou pas ? », j’attends qu’elle m’appelle. Mais si elle m’appelle, je dirai oui.

Et la reformation de Téléphone ?
C’est assez bizarre. En fait, j’en sais pas plus que vous. Moi je serais partant, tous les membres seraient partants. Alors parfois, j’appelle Jean-Louis, on se voit, on fait le bœuf et quand je lui demande, il me dit : « Ah non pas maintenant, pas avant 2012.» Il fait très attention à ce que ça ne tombe pas dans une période qui va déranger sa carrière solo. Ce à quoi je lui réponds : « On s’en fout, Téléphone on n’a jamais suivi les préceptes du show-business et ça s’est toujours bien passé.» On ne voit pas les choses de la même manière mais je respecte son truc, c’est juste que je suis bordélique et pas lui. Donc je vais me plier à ça et quand il décidera, si je suis là, je le ferai.

Merci beaucoup Louis Bertignac et bon(s) concert(s) !

Concerts de Septembre – Palais des Festivals de Cannes – du 24 au 27 septembre 2009
Louis Bertignac, site officiel

Eric_M

En amateur de musique, Eric Maïolino est auteur-compositeur-interprète, joue de la guitare, pratique le théâtre et assiste à des concerts! (toutes ses chroniques ici)

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