BO commentée du film UNE HISTOIRE DE FOU
UNE HISTOIRE DE FOU
Film de Robert Guédiguian
2015 (2H14)
Le réalisateur aborde la question du génocide arménien mais pour le pitch…Comme d’hab, j’vous laisse aller le lire sur les sites ad hoc, et toc !!
Voici, dans un premier temps les morceaux dont je parle dans le commentaire ci-dessous :
Berliner Luft
Nanor
Il jouait du piano debout
Hele hele Halay
DANS LE PARC 1921 en noir et blanc
Le film débute avec un très beau plan par Dolly ( caméra sur pied articulé comme une petite grue qui permet des mouvements aériens et amples).
En plongée ( c’est-à-dire que la caméra est au-dessus des sujets filmés, pas à leur niveau) le noir et blanc est de mise et l’échiquier géant voit deux hommes déplacer des pièces qui ont leur stature tout en échangeant en allemand non sous-titré.
La musique en son off (dont la source n’est pas visible dans le plan et donc pas entendue par les personnages)choisie pour cette intro est guillerette. C’est celle d’un orchestre philharmonique Berliner Luft à dominante de cuivres, l’esprit pour ce morceau est proche de la fanfare de cirque.
Pour la non Germanophone que je suis, les débuts sont perturbants…Mais tel un film muet des années 20 -période durant laquelle se déroule le début du film-les panneaux traduisant les propos des deux hommes font leur apparition.
La bande-son et le traitement de l’image en noir et blanc sont additionnés de plans d’ambiance avec montreur de singe et une affiche intitulée « Nemesis » sur laquelle on voit la déesse grecque de la vengeance. Nemesis est également le nom de l’opération menée dans les années 1920 pour exécuter les responsables du génocide arménien ayant échappé à la justice.
Les deux hommes parlent de ce qui peut mener à une guerre sur un ton très léger.
La caméra a effectué un panoramique haut/bas (mouvement sans déplacement de la caméra, elle reste sur son axe) et un travelling arrière (déplacement de la caméra) qui nous permet de voir les hommes en arrière-plan avec, en amorce, les femmes assistant à cette partie d’échec.
Nous découvrons que nous sommes à Berlin en 1921 dans un parc avec une vue semi-ensemble. Un homme en train de fumer observe -d’un des bancs du parc- une porte cocher de l’autre côté de la rue.
La fanfare commence à devenir une musique en contrepoint ( c’est-à-dire en opposition avec l’ambiance véhiculée par les images) car on sent la tension dans le visage de cet homme dont les yeux sont rivés sur ce que le spectateur peut aisément deviner…
L’homme assis, fumant, tendu est Soghomon Thélirian, survivant du génocide arménien…Celui qui apparaît de l ‘autre côté de la rue est Talaat Pacha, principal organisateur dudit génocide.
Berliner Luft s’intensifie, jusqu’à ce que Thélirian abatte à bout portant, d’une balle de revolver, Talaat Pacha. La bande-son perdure en contrepoint en se distordant, à l’instar d’un vinyle rayé accompagnant l’explosion du crâne de l’exterminateur. Puis, les percussions des sabots des voitures à cheval prend tout l’espace sonore de manière assourdissante et martelante.
Tout s’arrête au niveau sonore lorsque le Turc tombe au sol.
AU TRIBUNAL 1921 en noir et blanc
Lors du procès de Thélirian, un professeur intervient afin d’attester de l’existence constatée du génocide arménien. Pour cela, il fait passer dans l’assistance des photographies sur lesquelles, en son off toujours, quelques notes oppressantes accompagnent le visuel des exterminés.
A l’issu du procès, Thélirian est déclaré libre. Porté par ses paires, la bande-son toujours en son off, est en parallèle. Cette fois-ci c’est une puissante mélodie traditionnelle arménienne que l’on entend.
MARSEILLE années 1970 en couleur
Dans une chambre, en son on, un chant traditionnel arménien entonné par une vieille femme à sa petite fille appelle à la vengeance contre les Turcs exterminateurs du million et demi d’Arméniens génocidé. Sur les murs de la chambre,des photos de famille et celle de Thélirian ainsi qu’une représentation allégorique du martyr arménien crucifié par les Turcs.
La caméra sort de la chambre qui est au premier étage de « l’habitation-magasin » pour nous permettre de voir un homme décharger les victuailles au rez-de-chaussée dans l’épicerie.
Cette chanson amène de la colère dans le coeur du père qui gravit alors les marches de l’escalier pour arracher, des genoux de la grand-mère, sa fille.
24 AVRIL MARSEILLE années 1970 en couleur
En mémoire du début du génocide arménien initié par l’extermination de 600 notables à Constantinople le 24 avril 1915, les Arméniens se réunissent lors d’une messe spéciale chaque 24 avril.
Ainsi, plan dans une église où chante une chorale mixte.
Le chant est Nanor. C’est donc un son on.
Puis, la police entre dans l’église pour stopper ce rassemblement et le même chant est repris en son off pour accompagner au ralenti la procession d’Arméniens.
C’est à ce moment du film que je me suis mise à appréhender une utilisation dans le « pathos » de la musique en parallèle pour appuyer le propos et faire lâcher les « larmichouilles » au spectateur…
Lorsque le fils qui souhaite prendre les armes pour faire justice souhaite bonne nuit à son père qui souhaite continuer à vivre son « arménité » en France par l’intégration, on entend en son off une bande-son lourde et pesante qui est annonciatrice du futur départ du fils pour devenir terroriste afin de faire reconnaître et connaître au monde entier le génocide arménien.
LES MUSIQUES D’AMBIANCE
A partir de là je trouve pénible, les musique d’ambiance. Ces musiques en parallèle qui appuient le propos soit dramatique soit joyeux, soit doux de la scène…Ce procédé heureusement chez Guédiguian n’est pas du tout systématique et le compositeur Alexandre Desplat n’a pas fait dans la surenchère.
Cependant, quelques scènes de montage en parallèle n’étaient pas indispensables, comme les increvables violons pour les moments oppressants ou larmoyants…
Je ne souhaite pas décrire les scènes où ce procédé m’irrite. Car dans de nombreuses scènes cette technique appuie le propos et ne m’a pas heurtée plus que ça. Le seul moment malheureux, à mes yeux, est la scène où Anaît (une jeune femme terroriste) et Aram (le fils) font l’amour. Là, les quelques notes « cul-cul » à souhait de piano m’ont laissées perplexe…Voilà, c’est mon ressenti…
L’ATTENTAT A LA VOITURE PIEGEE A PARIS
Cette scène est vraiment sublime, c’est le premier attentat perpétré par Aram, le fils.
Il a la mission d’appuyer sur le bouton déclencheur de la bombe qui tuera l’ambassadeur de Turquie.
Seulement voilà, Aram ne veut pas faire de victime innocente. Au moment d’appuyer, un cycliste arrive derrière la voiture de l’ambassadeur et tente de se frayer un chemin mais la rue est trop étroite. Il est en train de fredonner une chanson écrite par Michel Berger : Il jouait du piano debout.
Le cycliste appelé Gilles fredonne et commence à faire demi-tour quand finalement Aram s’apprête à appuyer sur le détonateur. Le son on fait doucement place au son off de la chanson enregistrée par France Gall. Le volume augmente gentiment jusqu’à l’explosion où un magnifique ralenti sur la projection de Gilles avec son vélo est réalisé.
Plus tard dans le film, alors que Gilles veut retrouver son bourreau, on découvre avec la victime qu’Aram avait le vinyle de France Gall sur lequel cette chanson se trouve.
Les deux hommes sont liés par l’événement et par cette chanson…
Le message parlant de liberté, d’être soi-même, de soldats…Bref, petite mise en abîme sympathique et plutôt bien faite même si un peu forcée.
Pour ne pas spoiler le film je m’arrêterai là mais deux très belles scènes où la bande-son est prégnante se déroulent ensuite…Avec Hele Hele Halay
D’un point de vue visuel, le dernier plan est très beau et c’est le seul de tout le film qui s’attarde sur les paysages. Les herbes folles avec la lumière rasante du soleil donnent une tonalité douce chargée d’espoir au générique de fin qui les accompagne.
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