Nice Jazz Festival 2009 : Doré et éclectique
Un peu de blues, un peu de jazz, un peu de chanson française et un peu de rock : jeudi soir, le Nice Jazz Festival était particulièrement éclectique. Sans doute un peu trop pour pouvoir contenter tout le monde.
C’est le Derek Trucks Band qui a lancé la machine. Derek Trucks est arrivé au festival précédé de sa femme (l’excellente Susan Tedeschi en concert lundi), de McCoy Tyner qui l’a invité sur son dernier album (en concert mercredi) et surtout de sa réputation. Car à tout juste 30 ans, Derek est déjà considéré comme un maître de la guitare électrique notamment pour son jeu de slide. Pour preuve, il a été l’un des deux guitaristes choisis par Eric Clapton pour l’accompagner lors de sa dernière tournée. Entouré d’un chanteur et de quatre autres musiciens, Derek joue essentiellement du blues reprenant par exemple Key to the highway … que B.B. King avait chanté sur la même scène trois jours plus tôt. Mais il s’offre aussi un détour vers le jazz fusion pour lequel le claviériste se met à la flûte : Derek montre alors comment la musique indienne a pu l’influencer. Une grande dextérité, un phrasé subtil et mélodique, des techniques variées, Derek Trucks nous laisse sans avoir beaucoup parlé mais avec une certitude : il est effectivement bon.
La caution jazz de la soirée était Richard Galliano. L’accordéoniste international du sud rappelle qu’il est né à Cannes avant d’avoir déménagé à Nice. Il est donc chez lui, en quatuor avec Gonzalo Rubalcaba au piano, Clarence Penn à la batterie et Richard Bona à la basse. A noter que si, cette fois, Bona et lui étaient réunis, ils avaient joué séparément lors du festival 2005, Galliano en trio et Bona avec le guitariste Mike Stern au sein du groupe Step Ahead. A chaque concert, Richard Galliano semble mener un combat contre cet accordéon difficile et robuste, souvent projeté en arrière mais toujours gagnant. Il tente d’expliquer par l’exemple ce qu’est le New Musette, ce style par lequel il a définitivement tiré l’accordéon de son image poussiéreuse pour l’amener vers le jazz et la musique classique. Aurore, Coloriage : les titres de ses compositions évoquent le sud et Nice en particulier qui, dit-il, l’a inspiré. Douceur absolue avec l’utilisation d’un accordina aux faux airs d’harmonica. Hymne lui permet un premier hommage à Eddy Louis tandis qu’il finit, comme en 2005, par son Tango pour Claude sur lequel Nougaro (qui aurait eu 80 ans) avait écrit Vie Violence. Restait encore le rappel où Bach laisse la place à un medley inattendu et réjouissant. Bravo Richard!
Maxime Le Forestier suivait au Jardin. Solide comme un arbre, Maxime paraît ne plus changer. Il présente bien sûr les chansons de son nouvel album Restons amants (dont la très réussie Sur deux tons) et évoque ses collaborations d’entre-deux albums avec ses versions de la Double enfance de Julien Clerc (plus légère) ou du Tomber de Gérald de Palmas (sur un blues plus lourd). Brassens est évoqué à travers un surprenant Bonhomme à la contrebasse. Mais Le Forestier précise qu’il aime aussi les « bien vieilles ». L’éducation sentimentale s’enchaîne avec Fontenay aux roses et la fin du concert nous amène du côté de San Francisco ou de ce Frère qu’il n’a jamais eu dans une version au xylophone assez étrange. Et le rappel chaloupe Ambalaba. Les amateurs du live Plutôt Guitare retrouvent avec plaisir des arrangements de guitare similaires grâce à la présence de Michel Haumont. Mais on regrette une attitude un peu figée du chanteur, que n’a pas arrangée son coup de gueule contre le caméraman de France 3 venu filmer la foule : « on n’est pas à la Star Ac ici! ». Sans doute pas mais le public attendait peut-être plus de chaleur.
Il était temps que la soirée s’agite un peu. L’étonnante Gabriella Cilmi était là pour ça. A même pas 18 ans, la jeune australienne a un tempérament en accord avec son nom italien. Pieds nus sur scène, cheveux tombant le long des reins, elle porte une robe noire très courte qui ravissait le public exclusivement masculin du premier rang. Bien que programmée à Matisse, Gabriella insiste pour que tout le monde se lève et elle y parvient. Ne tenant pas en place, elle transcende l’énergie brute d’un blues rock mâtiné de soul et de R&B bien joué par son groupe et aidée par son tube Sweet about me. Sa voix, déjà assez puissante et écorchée, est très maîtrisée et il ne lui manque plus que d’un peu de maturité pour être vraiment renversante. C’est avec l’aide d’un zeppelin (Whole lotta love) qu’elle quitte un public épuisé mais ravi. La petite Gabriella était vraiment la révélation de la soirée.
Pendant ce temps, Julien Doré avait installé son salon au Jardin. Lampe à abat-jour sur un ampli, animaux empaillés et chinchillas, un style très coquet. Au-dessus, un néon lumineux annonçait « Julien Doré and The Bash », The Bash comprenant quatre musiciens dont Arman Melies, lunettes noires, chapeau sur la tête et guitare en main. Son groupe allait-il être un « coup de poing » ou un « essai »? Pour ma part, j’ai surtout senti l’essai. Après un début sans grand relief, à base notamment de variété italienne, le chanteur croit bon de remuer la foule en lui reprochant de dormir, pour lui faire remuer son gros cul. Une posture qui m’a semblé bien artificielle vu que le groupe n’avait encore rien joué qui puisse vraiment nous faire bouger. Mais le public s’anime, applaudit à son escalade des structures métalliques (sans moi) et frissonne devant un Lolita avorté qui montre ses Limites. A ce moment-là, les familles sont à fond. Une forêt d’enfants portés sur les épaules se dandine. Le public du Jardin avait miraculeusement rajeuni depuis le concert de Le Forestier. Finalement, la dernière partie du concert s’est révélée la meilleure : Les bords de mer ont installé une ambiance bien adaptée au lieu et à l’heure tardive et le basique Winnipeg qui a suivi était bien envoyé. Malheureusement, de gros problèmes d’accords ont gâché le goût de sa Bouche Pute. Pour finir, Julien Doré revient avec son ukulélé pour faire répéter au public son Excellent. C’est malin, mais je maintiens mon observation : peut mieux faire.
Nice Jazz Festival : c’est fini pour moi mais le festival s’achève ce soir sur une soirée Just Jazz autour de Sonny Rollins. Rendez-vous demain pour l’interview de Lisa Ekdahl.