Didooda.com : Interview de Jean Deswarte
Didooda.com a lancé sa beta le 21 juin dernier. Quelques jours avant, nous avions demandé à son fondateur, de nous éclairer sur cette nouvelle plate-forme et ses services. Voici donc l’interview de Jean Deswarte pour terminer la semaine en beauté sur «Ziknblog ». L’occasion rêvée de découvrir didooda.com et une nouvelle vision de la musique sur internet.
1- Peux tu nous présenter Didooda et en quoi ce projet diffère de toutes les autres plates-formes musicales ou réseaux sociaux axés musique ?
didooda (il n’y a pas de majuscule !) diffère d’autres plateformes de diffusion ou de distribution dans la mesure ou tout est pensé pour favoriser la rencontre, le mélange des genres, la collaboration. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas que le morceau fini. C’est surtout sa naissance. De quelle façon il va se métisser. Parce que je crois personne n’en n’a jamais idée, parce que la musique reste souvent non formatée. L’idée est là. Un type au piano à Paris, une voix terrible d’une fille à New York. Ca se rencontre, ça se forme. Ces deux là n’avait pas prévu le bassiste de Londres qui frappe à la porte. Ni ce gars qui pleure dans son harmonica à Montréal. Et l’autre de Bamako, etc. Le tout dans un bon esprit et sans crainte parce derrière tout ça on travaille sous des licences Creative Commons. On n’est pas là pour se piller, on n’est là pour collaborer. C’est très concret.
Et puis il n’y a pas que les musiciens. Une fois que le morceau est terminé. Il n’y aurait pas un graphiste pour l’illustre ? Il n’y aurait pas un vidéaste pour faire un clip ? Il n’y aurait pas un studio d’enregistrement pas trop loin de chez moi pour que j’améliore mon son ?
Et puis il y les fans, ceux qui ne voient jamais un morceau naître et là sont aux première loges et donner leur avis, cette version est superbe mais pourquoi ne pas essayer avec une trompette ? Juste pour voir ? C’est très nouveau ça, l’interaction entre musiciens, puis l’interaction entre les fans et les musiciens, l’interaction entre musiciens et graphistes ou vidéastes ou photographes, tout ça sur un même site, c’est très nouveau.
2- Qui se cachent derrière Didooda ?
J’ai beau me retourner, je ne vois personne d’autre derrière moi.
3- Peux tu nous éclairer sur les fonctions « collaboratives » du Site ?
Pour collaborer, il faut chercher, trouver, écouter, s’entendre. Quand je dis ça, je dis ce que fait didooda. Des outils de recherche existent pour cela. Bon on a trouvé. On fait quoi maintenant ? Et bien on essaye, on essaye de voir si l’on peut s’accorder. On s’échange des pistes. Mais pas n’importe comment. Une piste n’est pas une pièce jointe à un email. Une piste, ou des parles, est une création à part entière. A ce titre le partage et l’échange doit être contractuel. Quoi ? Un contrat ? Et oui. Je te propose ma piste de basse, ou des paroles que j’ai écrites, mais à telle condition, sous telle licence Creatives Commons. Tu sais ce que tu peux faire, et ce que tu ne peux pas faire. T’es ok ? On continue Downloade ma piste de piano, chante dessus, et tu me renvoies le tout, ‘attends juste quelques notes de saxo de Fred, et j’en fais un mix. Les fonctions collaboratives sont bien là : recherche par affinité, échange de pistes sous licence Creative Commons, mise à disposition des pistes et des mix. Chacun opère en toute liberté, dans un esprit de plaisir, de partage et de collabaration, tout cela encadré par les licences Creative Commons dans lesquelles je crois beaucoup.
4-Le site a été lancé le 21 juin, en Français et en Anglais. Didooda affiche donc dès le départ des ambitions internationales. Allez vous dans un premier temps concentrer vos efforts sur l’hexagone ?
Nous n’allons pas concentrer nos efforts sur l’hexagone. Ou sur tout autre territoire. Se serait réduire la musique, l’amputer des influences qui la nourrissent. On commence en français tout bêtement parce que je suis français. La version anglaise est avancée, les traductions sont déjà prêtes et le tout verra le jour courant juillet. Puis d’autres localisations suivront parce qu’il ne doit pas y avoir de frontière entre celui qui joue de la guitare et celui qui joue de la guitar ou de la guitarra ou de la Gitarre, etc.
5-Sur le blog « didoodaproject.com », vous écrivez « Chez Didooda, nous sommes certains que de nombreuses sources de revenu sont encore totalement non exploitées ou ignorées pour la musique en ligne en France. » Vous parlez entre autre de vous éloigner de la publicité. Quelles pistes comptez vous explorer avec Didooda ?
Aujourd’hui, quand on achète un morceau, et bien on achète un morceau. Sur didooda, on peut acheter un morceau, ou bien la licence de ce morceau à des fins de remix, ou bien juste la piste de basse du morceau, ou bien juste les paroles. Un morceau est un ensemble de richesses, et chacune de ses richesses peut être exploitée, pour autant que les auteurs de ces richesses le veuillent bien évidemment. On passe d’une ère de licence unique à une ère de licences multiples. Un truc peut en enfanter mille.
6- De nombreux artistes s’interrogent aujourd’hui sur les faibles rémunérations générées par l’exploitation de leurs œuvres sur Internet. Les sites de streaming sont souvent dans la ligne de mire. On parle de difficulté de paiement chez certains agrégateurs, ou sur certaines plates formes… Comment va se passer la vente de musique sur Didooda et la rémunération des artistes ?
La rémunération des artistes est simple : 85% des revenus générés sont pour eux.
Prenons trois exemples.
Exemple 1 : 3 artistes se sont associés pour donner naissance à un morceau qu’ils décident de vendrent 60 cents. Le morceau est vendu 1000 fois. Chacun touche 1000 x 0,60 x 0,85 / 3 = 170 $. Exemple 2 : la piste de piano de ce morceau est vendue avec une licence autorisant son acquéreur à en faire un usage commercial. Cette piste est donc plus chère et proposée à 100 $. Elle est vendue 10 fois. L’auteur de cette piste touche 100 x 10 x 0,85 = 850 $.
Exemple 3 : le morceau est vendu sous forme de licence à un professionnel pour illustrer un film promotionnel, au prix de 900 $. Chacun percevra alors 900 / 3 = 300 $.
La nouveauté est là, ne pas vendre un morceau, mais des licences de ce morceau -ou de ce qui compose le morceau- adaptées au besoin de chacun et ayant leur propre prix.
7 – Votre position sur les derniers épisodes du feuilleton HADOPI ?
HADOPI est une loi mal née. La gratuité d’écoute a toujours été possible, que ce soit à la radio ou à la télévision, et quand j’écoute un chanteur, je ne paye pas. Pour autant ce chanteur est rémunéré, mais ce n’est pas moi qui le paye. Les circuits de rémunération des artistes ont toujours été déconnectés des auditeurs, je dis bien auditeur, parce qu’évidemment quand j’achète une place de concert ou un CD, je contribue aux revenus de l’artiste, mais je suis alors consommateur. Bref il y a une place pour promouvoir et où on n’a jamais payé (radio, TV), et une place on l’on achète. Il est pour moi évident que plus la promotion est importante (radio, TV ET maintenant Internet), plus les revenus issus de la diffusion ou des concerts seront importants. Il ne faut donc pas voir en Internet une place de mise à mort des revenus, mais une place de promotion de ces revenus, ou encore une place où des paradigmes peuvent bouleverser la vision que l’on a d’un industrie quelle qu’elle soit. Au lieu de se demander comment tirer parti du bouleversement Internet, artistes et maisons de disque partagent la certitude qu’Internet mettra en péril leur revenu. Il va de soi que je me range naturellement du côté de ceux qui essayent d’imaginer de nouveaux horizons à partir d’Internet, plutôt que de le fustiger.
8 – Le mot a de la fin ?
Je tiens tout d’abord à te remercier pour cette tribune qui m’est offerte. J’aimerais qu’au travers de didooda naissent de belles rencontres musicales. Parce que la musique est pour moi cela, une histoire de rencontre et de métissage. Si didooda pouvait en être un des artisans, je serais rudement content.
Merci à Jean qui a répondu à ces questions en plein lancement de la beta …
Bidibule