La Grande Idée : La voile et le Rock
La Passion de la Liberté
Le groupe THE BIG IDEA a décidé d’enregistrer un album sur un voilier, pendant un voyage de 4500 kms à travers l’atlantique en partant de La Rochelle (la ville de Champlain).
15 novembre 2021 : « Cela fait maintenant 10 jours que nous sommes au port de Mindelo au Cap-Vert. Nous avons eu la chance de rencontrer beaucoup de musiciens et d’acteurs de la scène artistique de Mindelo, et entre autre Yannick Oliveira. Il nous a proposé d’investir l’ancienne maison de Cesária Évora pour y enregistrer des chœurs. Nous allons quitter L’île de Sao Vincente demain pour rejoindre Santo Antao. Le départ pour la grande traversée de l’Atlantique est prévue ce mercredi 17 !«
(page Facebook de THE BIG IDEA)
Sasha, Pierre, Louis, Sinclair, Matéo et Victor se connaissent depuis la petite école et ont quitté le lycée depuis 6 ans à présent. Puis ils ont formé le groupe « THE BIG IDEA » et commencé à bosser sur leur premier disque, qui deviendra au final le quadruple album « La Passion du Crime 3 » en 2017 (après un EP « ESS-95 » en 2016). « La Passion… » est conçu comme une BD racontant un thriller érotique de leur invention, avec des drôles de titres en chiffres romains et des morceaux de BD dedans. C’est déjà très original, avec un beau packaging. Depuis il y a eu aussi le LP « Daytonna » en 2018, puis « Margarita Hotel » en 2019, et enfin le single « Why (Why) » en 2020. Voilà pour un rapide survol.
Et la petite histoire ? Il faut savoir qu’en 2015, ce que bon nombre de bandes de potes évoquent sans trop y croire, eux ils le font. Tout le groupe part s’installer tout près de Paris (Champigny) pour une co-loc dans une grande maison qui sert également de studio d’enregistrement. De multiples instruments, même des cuivres, rien n’est interdit. Du Rock Indé parfois psychédélique, ou baroque, parfois Punk, qui fait un peu penser à un « Kevin Ayers and the Whole World » en plus métal, absolument pas formaté pour les charts mais ils s’en foutent, car pour eux c’est le fun qui prime avant tout. Du moins, c’est ce que dit la petite légende de TBI. Normalement, ils sont là-bas pour faire des études, l’un et l’autre ne sont pas incompatibles (ou bien si ?). Comble de la coolitude, le fonctionnement du groupe s’est toujours voulu démocratique, sans leader, une bande de copains. A six, cela aurait pu être compliqué, mais c’est aussi de la rigolade, un bon esprit. Et en plus de bons musiciens. Trop beau pour être entièrement vrai ?
BRAINORAMA écrit, dans un gros article de mai 2019 :
« des gros branleurs doublés de mecs pas vraiment réalistes et un poil mégalomanes, qui empilent les albums-concept comme des perles pour une audience plus ou moins égale à zéro« .
Brainorama
A l’époque on a :
Victor : chant, guitare
Louis : basse
Pierre : batterie, synthé
Arnaud : batterie, synthé
Sacha : guitare
Sinclair : guitare
Matéo : chant, guitare
De gros branleurs qui dépensent tout de même 3500 euros pour un quadruple album tout en savant très bien que ce n’est pas une garantie de succès. Ils sont réalistes, les idées ne manquent pas, comme pour le très nerveux « Daytona ! » ou la pochette du vinyle est aussi une table de jeu sur le thème de la course.
Il y a là, l’amour de l’objet, le vinyl à l’ancienne avec son cartonnage qui sent bon et ses petites surprises, comme la fermeture éclair de « Sticky Fingers » l’était en son temps. C’est de l’art. C’est peut-être aussi la course contre le temps : THE BIG IDEA semble « bruler pour ne pas rouiller ». C’est l’essence du Rock, après tout. Le Rock qui ne cherche pas forcément à plaire à tout le monde, mais qui, avec des concept-albums, va jusqu’au bout de sa démarche.
La scène où naviguer
JOURNAL DE BORD DU GRAND VÉSIGUE ~J20 : « Le Grand Vésigue, encadré d’escadrons de poissons volants toujours plus fournis poursuit sa route au large des côtes africaines. Pour la première fois depuis le début de notre voyage, des compagnons d’aventure à la voile laissent apparaître leurs position sur notre écran de navigation, on se sent un peu moins seuls. On travaille sur l’album, Mateo a enregistré ses premières trompettes aujourd’hui. Seul point noir à l’horizon, ces lignes de traîne qui malgré mes efforts, ballottent dans notre sillage sans nous ramener aucun poisson… Louis »
(page Facebook de THE BIG IDEA)
Le son des albums est bon, ça a du style, une véritable identité non formatée, mais les temps sont durs et on peut imaginer sans mal que les scènes se réduisent avec un certain virus. A l’heure où des milliers de petits groupes se perdent dans la galaxie des plateformes de streaming, en ce moment c’est difficile de se faire remarquer, même avec une musique qui sort du lot. Les membres de THE BIG IDEA affirmaient en 2019 ne pas être intéressés par les petits labels français et viser les internationaux. On ne sait pas si c’est de l’art ou du cochon, comme dirait Thiefaine, mais je crois qu’il y a beaucoup d’humour franglais là-dedans, une certaine dose d’autodérision qui les rend sympathiques. Je parcours les articles avec le recul et note qu’ils ont tout de même signé en 2019 avec ONLY LOVERS RECORD, le label indie de Poitiers, pour l’excellent LP « MARGARINA HOTEL » (dont les premières paroles prémonitoires sont « la vie est belle au bord de l’eau » – sur le morceau aux accents caraïbe « The Rivers King »…).
Juste avant de partir pour le grand voyage THE BIG IDEA participe aux sessions « iNouïs » du Printemps de Bourges de cette année.
THE BIG IDEA c’est aussi la scène : après le premier album et le Bus Palladium parisien, on s’entasse dans un van pour traverser l’Europe. C’est un peu le fantasme Rock par excellence, non ? On pourrait dire qu’ils cochent toutes les cases, malgré la conjecture tristounette du Covid. Et même des cases auxquelles on ne pensait pas, vu que dans la foulée ils achètent carrément un voilier de 12 par 4m, « Le Grand Vésigue », en mettant en commun leurs rêves et leurs économies. Sasha déclare sur MAZE :
« Pendant le confinement on a fini un album, on l’a enregistré mais on ne pouvait pas le sortir rapidement et le défendre, explique Sasha. Du coup on a préféré ne pas le sortir du tout, on s’est demandé ce qu’on allait faire de ce temps, et on a pensé à ça. »
MAZE
Mateo sait piloter un voilier, son père est un marin ayant traversé l’atlantique direction Québec avec Yves Le Blévec et Franck-Yves Escofier, et tous les membres du groupe aiment la mer. On est à La Rochelle, tout de même… Si vous reprenez l’article depuis le début, vous vous rendrez compte qu’on est sur une histoire exceptionnelle, surtout lorsqu’on connaît les probabilités de clash dans un groupe de Rock (déjà en trio, alors à six…). Alors des branleurs ? Non, pas du tout.
D’autant plus qu’ enregistrer un album dans-un-voilier-en-train-de-naviguer est un vrai challenge (il y a déjà milles choses à faire pour réussir à naviguer !) A ce propos, malgré leur emploi du temps lourdement chargé le groupe a bien voulu réponde rapidement à quelques questions.
ITW entre les dauphins
Jusqu’où allez-vous aller au niveau de la production de l’album sur le bateau ? Seulement enregistrement des différentes pistes avec un mixage sommaire puis le mixage final sera effectué sur terre, ou bien votre concept de « album enregistré sur le bateau » va-t-il plus loin ? (bandes finales à la fin du voyage).
Nous allons seulement enregistrer et faire un mixage pour l’écoute, nous laissons le mixage final a notre mixeur
Les enregistrements sur le voilier obligent-ils à faire un album essentiellement acoustique ? (je vois mal « Margarina Hotel » enregistré dans ces conditions, ou bien encore un titre post-punk de « Daytona »).
Non l’album ne sera pas un album acoustique. Grace à une carte son qui fera le lien entre l’ordinateur et les différents instruments nous allons pouvoir enregistrer des guitares et basses électriques. Les prises acoustiques représenterons un certain défis car il faudra capter le son « malgré » les bruits environnants de la mer.
Les enregistrements sur le voilier obligent-ils à faire des titres plus courts ?
Non ce n’est pas le cas, mais l’album en lui même sera plutôt court avec sept ou huit chansons.
Quelles concessions (s’il en est) avez-vous du faire par rapport à ce que vous aviez prévu au départ ?
Nous avions évoqué l’idée de pouvoir jouer dans les ports en escale, ce qui ne se fera pas, nous espérons tout de même faire un concert à l’arrivé en Guadeloupe.
Auriez-vous voulu emporter plus de matos ? (On se passe de batterie, du coup ?)
On se passe de la batterie, qui prendrait trop de place et serais trop compliqué à enregistrer. On a aussi réduit à deux guitares électriques différentes, et on a avec nous seulement des petites percussions. Mais c’est tout l’enjeu : réussir à faire cet album avec peu de chose.
Le single « WHY » date de 2020, suivi par les rééditions superbement remixées de « La passion du crime » : le projet du voilier était-il indispensable pour repartir du bon pied après la période COVID ou bien c’était une idée de longue date ?
L’idée nous est venue pendant le premier confinement. Ce qui semblait une idée un peu folle c’est affirmé comme une réalité au fur et à mesure des mois ! Nous espérons pouvoir partir en tournée en rentrant en France pour jouer cet album au plus de monde possible.
Pensez-vous que cette expérience va vous souder encore plus, et que cela va se ressentir dans la musique ?
On est déjà très soudé, parce qu’on se connait depuis très longtemps et qu’on a vécu déjà beaucoup de choses ensemble. Je ne pense pas que cette expérience va changer notre musique, mais peut-être, à voir à notre retour !
Pouvez-vous vous retrouver tous ensemble en session d’enregistrement ou bien y-a-t ’il forcément un/des absents qui triment sur le bateau ?
Il y aura toujours un barreur à poste, mais nous faisons à intervalles réguliers des écoutes collectives du morceau en construction pour être sûr que cela plaise à tous le monde.
Comment faites-vous l’enregistrement des voix sur le bateau ? Vous aviez prévu une isolation phonique ou bien on attend le calme plat sur la mer ?
On n’a pas pu mettre en place de réel isolation sur le bateau, alors on va en effet profiter des moments les plus calmes pour les prises demandant les micros les plus ouverts.
Qu’est-ce que vous utilisez comme logiciel pour le multipiste ?
Logic
Merci The Big Idea!
18 NOVEMBRE 2021 / C’est le jour du grand départ pour la traversée ! Nous venons de quitter Tarrafal au Cap-Vert sur l’île de Santo Antao, cap sur la Guadeloupe ! On espère arriver de l’autre côté début décembre.On reprend le journal de bord comme d’habitude, mais il ne sera actualisé qu’un jour sur deux.
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