Nojazz à Nice : « On fait du jazz mais on fonctionne comme un groupe de rock »
Le 10 juillet dernier, le Nice Jazz Festival choisissait de mettre en avant le Nu Jazz et l’électro. Le premier groupe à lancer la soirée était Nojazz (lire la chronique du concert). Le groupe est formé de quatre français, le saxophoniste Philippe Sellam, le DJ Philippe Balatier (ailas Balatman), le trompettiste Sylvain Gontard, le percussionniste Pascal Reva et d’un chanteur anglophone HKB Finn. Après un show haut en énergie, métissé et dansant, trois d’entre eux sont venus répondre avec enthousiasme et gentillesse aux questions de la presse sur leur passé, leur présent et leur futur.
Bonsoir Nojazz. Vous êtes cinq dans le groupe, comment vous êtes-vous rencontrés au départ ?
Philippe Sellam : On était amis mais on ne faisait pas la même musique. Il y en a qui venaient du rock, du jazz, de l’électro et on a eu envie de faire quelque chose ensemble. C’était une époque où l’électro-jazz démarrait, il y a une dizaine d’années et on s’est retrouvé à mélanger tous ces styles, à essayer des choses, on savait pas trop où on allait et l’expérience nous a vraiment plu. C’est un peu du hasard.
Philippe Balatier : Ca été magique dès la première répète. Philippe arrivait avec son background très Charlie Parker et moi avec mes machines. Il a joué du be-bop, j’ai joué de la drum and bass et ça a été une évidence de continuer. Après il a fallu travailler pour faire des morceaux et pas seulement de l’impro mais ça dure depuis dix ans, c’est pas mal.
Philippe Sellam : Depuis, on a été rejoint HKB Finn qui habite Londres. Moi j’habite Paris avec Sylvain et les deux autres sont dans le sud. Donc on se retrouve aux quatre coins de France et d’Europe pour faire nos trucs.
HKB Finn, comment avez-vous rencontré le reste du groupe ?
HKB Finn : Je les ai rencontrés par l’intermédiaire du trompettiste Guillaume Poncelet. On a fait un concert ensemble avec Electro Deluxe et il m’a parlé de son projet avec Nojazz.
Philippe Sellam : Il a participé à un concert qu’on a fait il y a quelques années à la Cigale et on ne l’a plus laissé repartir.
Comment avez-vous choisi le nom de votre groupe ?
Philippe Balatier : Le nom Nojazz est arrivé super vite dès cette fameuse première répète. On a dit à ceux qui venaient du jazz : « vous jouez un peu trop jazz, il faut laisser de la place aux nouvelles technologies. Sinon, faites votre groupe de jazz et nous on s’en va. »
Philippe Sellam : C’est parti d’une blague à vrai dire. Nojazz c’est uniquement pour provoquer, pour s’amuser parce qu’on ne se serait pas appelé Nojazz si on ne voulait pas faire du jazz. Il y a du jazz dedans évidemment. Les puristes nous ont reproché pendant pas mal de temps de faire quelque chose d’un peu décalé et en plus on s’appelait Nojazz. Avec le temps évidemment, les choses sont rentrées dans l’ordre. Le jazz c’est la provocation avant tout. C’est un peu macho au départ de faire une jam : j’arrive et je m’impose. Ca peut déranger mais les gens finissent par accepter.
Comment s’est passé l’enregistrement de votre premier album ?
Philippe Balatier : C’est arrivé super vite. Deux mois après notre première répète, on joue au Sunset. Un mois après, Teo Macero, le producteur de Miles Davis, vient nous voir au Citéa et six mois après on est à New-York pour enregistrer l’album. Il n’y a pas eu de calcul, c’est comme ça que les choses se passent. Il faut voir que Teo Macero a pris Miles et l’a tordu. Maintenant on s’amuse avec des samples, lui il coupait les bandes au ciseau, c’est incroyable. Il est venu nous voir au Citéa à 23h, lui normalement à 23h il va au lit. Il a été scotché jusqu’à une heure du matin. A 75 ans, il dansait devant nous comme un fou et six mois après on était avec lui à New York. C’était magique.
Qui compose dans le groupe ?
Philippe Sellam : Philippe et moi principalement mais tout le monde met son petit grain de sel, c’est assez collectif. C’est un groupe, Nojazz.
Philippe Balatier : On fait du jazz mais on fonctionne comme un groupe de rock. Avec des individualités et des discussions à n’en plus finir. C’est quand chacun joue son instrument comme il a envie qu’il se passe quelque chose. A partir du moment où on a des gens en face, il n’y a plus du tout de discussion, il n’y personne qui ramène la couverture à soi. On fonctionne comme une entité. Finn par exemple est assez imposant mais il sait rester en retrait jusqu’à ce qu’on lui dise d’y aller. C’est vraiment un cinquième du groupe.
Parmi toutes les rencontres que vous avez faites, laquelle vous revient à l’esprit ?
Philippe Sellam : Il y a eu énormément de rencontres, on a eu beaucoup de chance. Teo Macero c’était une rencontre inoubliable. On a aussi rencontré Maurice White le leader de Earth Wind And Fire, Stevie Wonder, Claude Nougaro. Ce sont des rencontres qui nous ont marqués et qui nous ont fait beaucoup avancer.
Philippe Balatier : Même s’il faut travailler pour qu’on puisse garder une identité et un son à nous. Tous ces artistes qu’on admire étaient prêts à une ouverture. Quand Earth Wind And Fire est arrivé sur scène, on s’est demandé : « Qu’est-ce qu’ils font ? C’est pas du disco, c’est pas de la funk » et pourtant ça groovait. Claude Nougaro aussi, ce qu’il faisait était unique. Il était toujours en demande de nouvelles choses. Avoir collaboré avec lui, c’est évidemment un honneur pour nous. Quand on se retrouve chez lui, qu’on lui fait écouter notre petite maquette et qu’il dit : « Mais ça groove les gars », on a gagné un truc. Et Stevie Wonder, c’est énorme pour nous. Quand on était en studio avec lui, je me suis dit c’est bon, tu peux arrêter la musique.
Comment avez-vous trouvé le public ce soir ?
Philippe Sellam : C’était un public très ouvert, on l’a bien senti, c’était un vrai plaisir, il répondait, il était content. Quand on voit des gens comme ça, on ne peut pas juste donner un petit peu. On est vraiment un groupe de scène. Il y a plein de gens qui font de l’électro en bidouillant des trucs chez eux et c’est très bien mais notre plaisir il est sur scène avant tout.
Philippe Balatier : Faire le In, c’était un peu un pari et pour nous, il est gagné.
Vous avez aussi participé au festival Off.
Philippe Balatier : On a eu l’honneur de faire une Master Class au Conservatoire. Pendant quatre jours, il y avait vingt élèves qui ont repris notre répertoire et on a « Nojazzifié » deux titres de Miles Davis avec eux.
Philippe Sellam : Moi-même, j’ai appris en écoutant des grands maîtres du jazz. On a envie de faire la même chose, de donner notre savoir et notre expérience. Ces jeunes sont tellement positifs, ils ont tellement soif de musique qu’on ne pas refuser de leur donner des choses.
Philippe Balatier : On a été agréablement surpris. La musique d’aujourd’hui est vraiment ouverte. Notre groupe est une preuve d’ouverture aussi. Moi je ne viens pas du tout du jazz, Philippe ça fait vingt ans qu’il fait du jazz. Les élèves, eux, ont un cursus vraiment jazz mais ils étaient complètement ouverts à une approche électro, super curieux tout en ayant une culture vraiment jazzy. Ils ramenaient même des potes le lendemain pour écouter. Emotionnellement c’était super et musicalement, j’avais les poils jusque-là tous les jours.
En dehors de Nojazz, vous avez des projets personnels ?
HKB Finn : J’écris pour le théâtre, je chante dans une chorale classique et j’ai mon propre groupe mais j’adore me produire avec Nojazz principalement parce que je me posais cette question : « à quoi ressemblera le jazz du XXIe siècle ? » et Nojazz est une partie de la réponse.
Philippe Balatier : Je travaille avec un projet flamenco électro, il y a dix danseuses sur scène qui dansent du flamenco sur de la musique électro. C’est une bonne énergie ça aussi. Toutes ces énergies ensemble, ça fait grandir.
Philippe Sellam : On aime bien apprendre des choses. Travailler avec d’autres gens c’est apprendre à s’adapter. Mais c’est surtout Nojazz qui nous accapare.
Quelle est l’actualité du groupe ?
Philippe Balatier : On a enregistré un album live au Sunset en avril. On y a joué quatre jours avec un invité différent chaque soir : Jean-Marie Ecay, Andy Emler, Benoît Sourisse, Mangu qui est un rappeur dominicain et Maraca un flûtiste cubain. On est en train de mixer l’album. Après dix ans, on nous demande vraiment du live parce que ce qu’on fait en live et ce qu’on fait sur l’album c’est pas pareil. Donc pour la première fois, on va sortir un vrai album live.
Et quels sont vos projets ?
Philippe Balatier : On va partir en tournée à la Réunion, Maurice et Madagascar fin septembre.
Philippe Sellam : Si sur place, on rencontre des gens qui nous plaisent et qui ont quelque chose à dire, quelque soit leur origine musicale, on essaiera de les intégrer ne serait-ce que sur un morceau. Faire un jam, c’est la démarche du jazz.
Merci Nojazz !
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HKB Finn : le site
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