Toto, toujours fidèle à la France
Dès la deuxième interview de ce Nice Jazz Festival 2006, je me suis retrouvé face à certains des meilleurs musiciens du monde. Et bien entendu, aussi souriants et accessibles que talentueux.
A quelques heures d’un concert qui a enthousiasmé les Jardins de Cimiez, Toto répondait à nos questions par la voix de deux des membres fondateurs, le légendaire guitariste Steve Lukather et le chanteur Bobby Kimball, renforcés de Simon Phillips le batteur qui a remplacé Jeff Porcaro, de Mike Porcaro le bassiste et du nouveau clavier Greg Phillinganes.
Est-ce la première fois que vous venez à Nice?
Simon: Non, pas du tout. Chacun d’entre nous est déjà venu très souvent.
Steve: On adore la France et on y a passé beaucoup de grands moments. On est venu en tournée en 1977 et je me suis fait plein d’amis. Aujourd’hui, on a bronzé sur une super plage la nourriture était super, les gens super, la température super. (Montrant Greg:) Il était blanc avant de venir! (rires) C’est un honneur d’être invité à ce grand festival.
Vous ne faites pas réellement du jazz. Avez-vous joué dans d’autres festivals de jazz?
Steve: On en a fait plusieurs comme Nancy ou Montreux.
Simon: Et individuellement, on a joué de nombreuses fois au Nice Jazz Festival.
Steve: On n’est pas juste un groupe de rock, on va plus loin que la plupart des groupes rock, on laisse une bonne part à l’improvisation.
Simon: Et on joue du jazz.
Diriez-vous que votre dernier album, Falling in Between, est plus rock que les précédents?
Simon: Dans une certaine mesure, oui. En commençant, nous n’avions aucune idée préconçue. Les premières chansons que vous entendez sont les premières compositions qui sont venues. Il a suffi qu’on se réunisse et qu’on se mette a jouer et tout a coulé : ce son, c’est vraiment le son du groupe.
Steve: C’est un album varié. Il n’y a pas que du rock, il y a aussi de la world music, du jazz … On a commencé à jouer plus rock et finalement notre style nous a rattrapé.
Comment voyez-vous la scène rock actuelle?
Steve: Il y a de bonnes choses mais on vend plus son image que sa musique. Le marketing n’était pas le même à notre époque. Aujourd’hui, c’est plus facile d’être un groupe rock : si tu as assez d’argent derrière, tu peux avoir MTV ou de grosses émissions comme American Idol, Pop Idol. Nous avons commencé très jeune et on pensait qu’il fallait être de très bons musiciens pour réussir. Les règles ont changé et ça n’est plus le cas. Je ne dis pas que c’est mal, je dis que c’est différent.
Bobby: Le public a entre 15 et 16 ans. A notre époque, les groupes en compétition, Doobie Brothers, Steely Dan, étaient tous de grands musiciens. Aujourd’hui, il suffit d’être photogénique pour vendre des disques.
Simon: Le métier a beaucoup changé. Tout ce qui nous importait, c’était de faire des albums et d’arriver à les vendre pour continuer. Dans les années 70, 80, c’était très cool d’être un groupe rock. Maintenant, c’est plus cool d’être un sportif ou un politicien peut-être.
Y a-t-il des groupes actuels dont vous aimez la musique?
Simon: Oui, bien sûr! J’aime les Foo Fighters.
Steve: J’écoute de plus en plus de hard rock grâce à tout ce que mon fils passe à la maison. Certains groupes sont bons mais certains m’ont l’air de tous sonner de la même façon.
Greg: J’aime bien Green Day.
Steve: C’est un très bon groupe mais ça a déjà 10 ans. Sinon, il y a Radiohead, toujours sur le fil et éclectique. Mais je n’écoute plus les radios pop donc je ne suis plus très au courant.
Bobby: J’écoute le groupe de Trevor Lukather.
Steve: Mon fils!
Bobby: C’est un très bon nouveau groupe, vous en entendrez bientôt parler!
Quel est votre secret pour rester ensemble depuis si longtemps?
Steve: En fait, on ne s’aime pas, c’est juste pour le business.
Mike: On en sait trop les uns sur les autres. On ne peut pas se séparer sinon on serait capable de s’entretuer!
Simon: Ou alors d’avoir tous beaucoup d’ennuis. (rires)
Steve: Notre succès vient du fait qu’il y a toujours beaucoup de gens qui nous suivent. Sans eux, on serait resté un groupe underground comme dans les années 70. Mais ils ont été fidèles particulièrement en France et en Europe donc on revient! C’est un grand honneur pour nous de tourner dans le monde entier. On est plus un groupe mondial qu’un groupe américain. Maintenant, on est un groupe français!
Simon: Il y a aussi le fait que nous faisons beaucoup de live. Aujourd’hui, beaucoup de performances sont peu honnêtes, beaucoup de gens n’auraient pas réussi sur scène sans la technologie actuelle. Nous, nous restons honnêtes. Ce que vous entendez, c’est nous qui le jouons. C’est live et c’est différent tous les soirs.
Si vous êtes un groupe français, pourquoi pas de chansons en français?
Steve: Ca vient, c’est pour le prochain album. On aimerait changer et il y aura des chansons dans plusieurs langues. Bobby a très envie de chanter en japonais et il sera très bon.
Bobby: Sans aucun doute! (rires)
Avez-vous une idée de comment sera composé le public ce soir? Pensez-vous que ce seront surtout des fans?
Steve: Je n’en sais rien! On nous a dit que c’était un lieu très intéressant où les gens se promènent, boivent du vin. Je ne sais pas s’ils ont acheté des billets pour tout le festival ou s’ils vont venir surtout pour nous. C’est à vous de me le dire. On fera juste du mieux qu’on peut.
Simon: Je pense que les gens qui ont acheté un ticket seront très ouverts d’esprit car c’est une programmation très diversifiée: Hank Jones, Eryka Badu …
Steve: Marcus Miller, on a toujours été fans. Les Neville Brothers, ils étaient déjà là quand j’étais gamin. Ce sont des amis, on fait des bœufs ensemble.
Bobby: Et Greg est le seul à avoir joué avec Art Tatum!
George Clinton sera là demain soir.
Steve: On est de grands fans. Dennis Chambers a joué avec lui et nous a raconté cette époque formidable de la sortie de Mothership. Bootsie Collins aussi est un géant, ce sont de grands groupes.
Merci à vous cinq!
Propos recueillis et traduits par Eric_M